samedi 24 janvier 2015

Représentations et représentés


Commissaire de l’exposition
« L’art de l’enluminure en islam : entre abstraction et figuration »
et conservatrice au département des Manuscrits à la Bibliothèque nationale de France, Annie Vernay-Nouri revient sur la problématique de l’image et de l’aniconisme en islam.  

Annie Vernay-Nouri : Il faudrait parler tout d’abord de « mondes musulmans » tant le monde musulman est multiple puisqu’il agrège, au fil des conquêtes, trois grandes composantes culturelles distinctes : le monde arabe, lieu de tous les commencements, puis la sphère persane et enfin la partie turque. Le terme « arabe » recouvre des entités linguistiques et politiques distinctes. L’espace musulman se constitue autour d’une nouvelle religion, l’islam avec un texte sacré, le Coran, et d’un idiome commun, l’arabe. Cette langue unifie le monde musulman, l’écriture sert à noter des langages qui n’ont rien à voir entre eux puisque l’arabe est une langue sémitique, tandis que le persan est indo-européen, et le turc vient de l’ouralo-altaïque.
D’un point de vue plus politique, la puissance historique arabe cède le pas à celle du monde persan. Une culture différente émerge, notamment vis-à-vis de l’image. Vient enfin la puissance turque avec les Ottomans, à partir du XVe et XVIe siècle. En même temps, un brassage culturel se fait puisque, par exemple, certaines dynasties turques comme les Ilkhanides (1256-1334, descendants du Mongol Gengis Khan) ou à leur suite les Timourides de Tamerlan (1370-1507) sont d’origine turque mais adoptent une culture persane.
Ces contextes expliquent-ils la présence figurée d’êtres animés ou vivants dans l’art profane et leur absence dans le livre sacré et donc ce qui est autorisé ou interdit ?
Annie Vernay-Nouri : Rappelons tout d’abord qu’il n’y a pratiquement rien d’écrit dans le Coran sur l’interdit de l’image figurée. Il est juste fait référence aux « idoles »*. Contrairement à l’Ancien Testament, (Deutéronome 5,8 ou Exode 20,4**) il n’y a pas d’interdiction scripturaire. Le Coran, parole de Dieu, naît dans le contexte d’une Arabie préislamique polythéiste où il n’y avait pas d’images ou très peu. Il existait de rares représentations d’« idoles » ou de statues de divinités païennes. Dans l’islam primitif, il n’y a donc pas lieu d’interdire ce qui n’existe pas. Deux siècles plus tard, quand les hadiths (actes et paroles du Prophète) fixent les actes et paroles du Prophète, une norme se fixe : l’artiste ne peut représenter les êtres animés car il fait acte d’imitation ce qui implique qu’il entre en concurrence avec Dieu et sa création. Or le créateur de toute chose ne peut être que Dieu…
D’autre part, avec les conquêtes, dès le IXe siècle, les musulmans se confrontent aux représentations byzantines, sassanides et asiatiques. En islam, l’aniconisme sera donc en fait diversement suivi, en fonction des réflexions théologiques. L’absence
d’image est totale dans les livres religieux.

L’émergence de genres profanes, scientifique d’abord, puis littéraire, poétique et historique va permettre d’user de la figuration, de peindre des êtres vivants ou animés. Dans sa miniature, le peintre recrée une réalité autorisée, basée sur le refus d’un certain réalisme, sur le jeu des couleurs, des formes planes sans ombre, sans relief ou perspective.
Quand apparaissent les images figurées du Prophète Muhammad ?
Annie Vernay-Nouri : Des auteurs arabes, Al-Dînawarî et Al-Mas’ûdî, évoquent l’existence marginale de portraits du Prophète dès les IXe et Xe siècles mais aucun document n’étaye leurs dires. L’iconographie du Prophète se développe tardivement, aux XIIIe et XIVe siècles en
Iran sous les Ilkhanides (1290-1336), une dynastie d’origine mongole dont le prince régnant Ghazan Khan se convertit à l’islam, vers 1295. Ce peuple venu d’Asie centrale a une culture hybride où coexistent plusieurs religions, le bouddhisme, le christianisme et le manichéisme, c’est-à-dire des cultures qui ont une tradition iconographique. Cela amène un rapport différent à l’image. Les premières
représentations figurées de Muhammad viennent de là. Un des manuscrits de la Chronique universelle du grand vizir Rachid al-Din, composée à l’aube du XIVe siècle à Tabriz, montre dans un style très simple le prophète Muhammad recevant la révélation de Jibril (l’archange Gabriel).

Vient ensuite le Mi’raj-Nameh, le Voyage nocturne popularisé sous les Timourides au XVe siècle. Ce texte mystique ancré dans la tradition musulmane reprend un épisode esquissé dans le Coran (sourate XVII, verset 1***). Il raconte l’ascension du Prophète au ciel, et retrace son voyage nocturne de La Mecque à Jérusalem jusqu’au trône divin. Monté sur al-Buraq, sa jument ailée à tête de femme, guidé par l’archange Jibril, Muhammad parcourt les sept cieux, s’entretient avec les prophètes qui l’ont précédé d’Adam à Ibrahim, descend aux Enfers…
La représentation du Prophète est donc licite… Connaît-elle des évolutions ?
Annie Vernay-Nouri  : Là encore, la nuance est d’importance ! Les images représentant Muhammad ou les prophètes ne se trouvent jamais dans des livres sacrés, c’est-à-dire les corans, les livres de sciences religieuses comme les livres de théologie, de droit ou les hadiths. C’est
une règle absolue, jamais transgressée : les ouvrages religieux arabes, perses ou turcs ne contiennent jamais d’images figurées. L’exposition montre cette dualité fondamentale. D’un côté, les corans s’ornent de figures géométriques et d’arabesques d’une grande complexité au sens symbolique plus ou moins caché. L’art de la calligraphie magnifie le verbe de Dieu.

En revanche, la représentation figurée du Prophète a sa place, à certaines époques, et en certains lieux – jamais dans le monde arabe –, dans des types de livres profanes comme les genres à la marge du religieux que sont les « histoires de prophètes » ou les chroniques historiques.
 La représentation est-elle fixée dès le début ?
Annie Vernay-Nouri : Le visage du Prophète ne présente vraiment pas de signes distinctifs particuliers dans les premiers ouvrages au XIVe siècle. Ensuite, les artistes inscrivent son visage dans une gerbe de flammes d’or qui prend plus ou moins d’ampleur puis au XVIe siècle, il est recouvert d’un léger voile blanc le dissimulant des hommes, en signe de respect. 



Muhammad reçoit la révélation de l’ange Gabriel.
Compendium des Histoires (Jâmi‘ al-tawârikh) de Rashîd al-dîn,
manuscrit illustré produit à Tabriz au début du XIVe siècle
(Edinburgh University Library, MS Arab 20).




Muhammad, sous la forme d’un nimbe dorée (en haut à gauche de l’image),
détruit les idoles de la Kaaba.
Miniature du Cachemire, XIXe siècle (Paris, BnF, Manuscrits orientaux, Supplément persan 1030, fol. 306).






Une miniature célèbre représentant Muhammad et les traits de son visage,
extraite de l’ouvrage d’al-Bîrûnî, al-Âthâr al-bâqiya, Iran, XVIe siècle
(Paris, BnF, Manuscrits orientaux, Arabe 1489, fol. 5v).
Cette image est celle que l’éditeur Belin avait choisi de flouter dans l’un de ses manuels d’histoire destiné aux classes de 5e, en 2005



Muhammad, au visage nimbé de flammes, entre à La Mecque.
Qazwin, fin du XVIe siècle
(Paris, BnF, Manuscrits orientaux, Persan 54, fol. 187).






Une scène du mi‘râj, « l’ascension céleste » de Muhammad.
Sur le dos de sa monture ailée, le prophète rencontre lors de sa traversée des sept ciels un ange en forme de coq.
Manuscrit produit à Hérat, XVe siècle
(Paris, BnF, Manuscrits orientaux, Supplément turc 190, fol. 11).





 Muhammad au visage voilé ; l’ange Gabriel se tient derrière lui.
Miniature extraite de la version illustrée de la chronique Zubdet el-tevarikh réalisée au xvie siècle pour le sultan ottoman Murad III (détail)
(Istanbul, Musée des arts turcs et islamiques).






Muhammad siège devant les croyants en compagnie des quatre premiers califes.
Dans ce manuscrit chiite, Ali, le premier imam, est lui aussi symbolisé par une flamme. Miniature du Cachemire, XIXe siècle
(BnF, Manuscrits orientaux, Supplément persan 1030, fol. 374v).



samedi 25 octobre 2014

Mes amis ont du talent...


23 Octobre 2014, 10:41am | Publié par Six Sophie

Comme tout le monde le sait l'école d'Art déménage enfin a déménagé. Etant à plusieurs milliers de kilomètres à ce moment là, j'ai néanmoins réussi à suivre l'événement.
Rien que pour vous en exclusivité exclusive waaaah, je vous dévoile tout!
Après avoir tout bien empaqueté, cartonné, encartonné, emballé; les déménageurs ont déplacé les fameux effets spéciaux artistiques "pouf" 90 m plus loin - Si céti po bio! -

Et non ils n'ont absolument pas joué à cache-cache avec les cartons dans les nouvelles salles, non non ça ce sont les mauvaises langues...
1 semaine de fermeture (à la base) pour déménager sur 90 m ça fait long vous me direz
Raaah mais non, car le déménagement c'est comme le TETRIX : tout est une question d'empilement.
Bon après il y a eu une semaine supplémentaire enfin 2, finalement 3 (je ne sais plus, on ne sait plus, personne ne sait) pour cause d'incendie. Que voulez vous tout cet échauffement ça a mis le feu aux poudres...des pigments. Les ronds de cuir voulaient une école flambant neuf bah ils l'ont eu.
Les quelques poulets offerts en sacrifices lors de mes séances vaudou n'y sont pour rien, pas de preuve, je n'y étais pas, non coupable!

Ajoutez à cela une livraison tardive du matériel de base pour les salles : les tabourets, les tables...et nos povr' profs sont pas loin du burn-out
(encore une histoire de cramés...).
Certains, dépressifs, en sont arrivés à des extrêmes.

Finalement, les tables sont enfin livrées...lentement mais sûrement.

Belles tables de 150 kg chacune très mobiles avec trou central pour parasol.
Les nouveaux petits tabourets aussi sont là, très pratiques à empiler.

Les salles peuvent être installées.

Les ateliers tout beaux tout neufs, font la fierté de Cap Calaisis.

avec beaucoup de rangements.

Y'a même un four dernière génération dans une pièce secrète, chauffée et ouverte sur trottoir à 21°c Eté comme Hiver.

On peut envisager un nouveau cours : poterie par exemple


qui trouverait, j'en suis sure de nombreux adeptes, même chez les plus jeunes.

D'ailleurs, les cours enfants font le plein cette année. Comme quoi des locaux neufs avec pignon sur rue (enfin boulevard) ça vous booste la créativité et votre fibre artistique! Tellement plus "smart" et bling bling que dans une vieille bâtisse de bois et de carton aux escaliers bruyants et sans âge...N'est il pas?
Bon alors la nouvelle école me direz vous?
Comment vous dire...ça ressemble à...un collège! Ni plus ni moins. J'ai perdu 15 ans en une visite! Plus efficace que toutes les crèmes anti-rides! Merci Ô chers architectes pour vos traits de génie. En voici quelques uns, je tais la majorité pour ne pas provoquer de complexes d'infériorité psychiques chez mes lecteurs face à tant de bon sens :
- Un hall d'entrée devant servir de salle d'expo mais sans mur...
- Un anneau de fixation au plafond (pour l'art du bondage asiatique certainement) pouvant supporter plusieurs centaines de kilos mais à environ 5 mètres de hauteur.
- Des murs vitrés ou toitures vitrées inclinées non accessibles au nettoyage qui font le bonheur de nos amis artistes goélands...Très prochainement vernissage de leur 1ère expo : expression libre de haut vol.
- Des WC à tous les étages, tous les croisements, tous les 5.00m. L'âge grandissant des élèves des cours du soir, nos chers politiques et archis ont eu pitié des prostates calaisiennes.

-La configuration de l'école permet d'organiser des courses d'orientation à travers la multitude de couloirs. Une option GPS est à prévoir dans votre palette d'artiste.

Mais je n'en dis pas plus. Je vous laisserai admirer cette...œuvre produite par des chefs lors de l'inauguration (prévue en 2014....Si si! Le 17/11).

Pour ma part, je trouve un réel avantage à notre nouvelle école : ces immenses murs blancs!
Immaculés, purs, vierges s'offrant à nous dans toute leur pudeur, cette nudité qui ne demandent qu'à être possédée, prise, tâchée par nos mains caressantes et nos esprits éveillés.
Alors en souvenir de notre vieille école colorée, à vos pinceaux, à vos pochoirs, à vos collage, appropriez vous l'espace!
Mettez s'y vos couleurs, bavez vos tripes dans l'escalier, éclaboussez les salles de vos rires, dégorgez vos pleurs sur les murs des couloirs!

Ils ont voulus construire un "concept", à vous de créer votre école d'art.

dimanche 6 juillet 2014

Nouvelle école d'art de Calais

Atelier de gravure de Xavier Hennicaux.
Affichages des travaux de Pascaline Pouilly et de Xavier Hennicaux





















samedi 5 juillet 2014

Transhumance (3) Projet École d'Art - Prisunic Monoprix



Pascaline Pouilly grave entre deux, états des lieux avec la lumière vive de 
l'obscurité  du dedans dehors.  Être dedans et vouloir sortir le dessin de la 
gravure, du noir de l'encre, essuyer pour l'image.
Elle ne voit rien, elle cherche la lumière  pour sortir de soi afin de décrocher un ailleurs
du lieux. 
Changer d'obscurité , tag, recouvrement, images oubliées, jetées parfois à 
terre, juste ramassée pour montrer.
Pascaline  révèle le blanc de la lumière  pour respirer en dehors du noir de la 
plaque,  pour chercher une porte de sortie comme pour entrer dans le cotė sombre 
du sujet. 
Elle travaille de nuit, dans le clair de lune, le ciel clair mais sombre, les étoiles se reflétant sur le sol. L'une lourde, rousse, rouge du levée du matin.
Cadres composés par les toits, attirė par les moments intimes des lumières vives 
renforcées par la pluie, brillante, givrée, étoiles  se reflétant sur les 
carrosseries des voitures.
Les lieux de l'école d'art, future et ancienne sont le reflet de ce qu'elle aime. Elle cherche  le bien-être  pour ne penser à rien d'autre que de renaître 
même dans les détritus , même dans le sombre.
Elle entre dans l'obscur pour sortir dans la lumière, contraste du visible et de 
l'imaginaire.
Xavier Hennicaux